La Thaïlande fait face à la plus importante crise politique de son histoire récente, ceci depuis les manifestations sanglantes organisées contre le régime dictatorial du Général Suchinda Khlaprayun, en mai 1992. Cette fois-ci, les Thaïlandais se mobilisent pour lutter contre le Premier Ministre, Thaksin Shinawatra, l'homme le plus riche du royaume car celui-ci mettrait en oeuvre une politique destinée à favoriser l'enrichissement de sa famille et de son entourage.
Selon Sonthi Limthongkul, un des chefs des manifestants issu de la direction d'un grand groupe de presse, Thaksin mènerait la Thaïlande vers les dangers les plus graves et sa politique serait tout à fait inefficace pour le développement économique du royaume. Le Premier Minsitre a vendu les actions d'une de ses entreprises à un des plus grands fournisseurs téléphoniques singapouriens, pour une valeur de plus de 200 millions de dollars US et aurait tenté de ne pas payer les taxes afférentes à cette transaction ; cela n'est d'ailleurs pas la première fois puisque, au cours de son premier mandat de Premier Ministre (2002-2005), il avait déjà essayé de cacher les actions qu'il détenait dans différentes entrepprises et, contrairement au règles constitutionnelles, de ne pas déclarer les biens dont il était, directement ou indirectement, propriétaire.
A l'occasion des manifestations actuelles, nous avons également la possibilité de prendre conscience d'un phénomène politique nouveau en Thaïlande, puisque les professeurs de plusieurs grandes universités du pays ont de même contribué à cette lutte : ce sont, par exemple, les Universités Chulalongkorn, Thammasart et Silpakorn. De nombreux professeurs appartenant à ces établissements prestigieux ont signé des pétitions contre la politique de Thaksin, exigeant sa démission. Le Premier Ministre a fini, pour tenter de rétablir son assise politique, par dissoudre le Parlement le 24 février dernier.
Thaksin avait d'abord fixé les élections générales le 2 avril 2006 prochain mais cette date était totalement illégale puisque, selon la Constitution du royaume de Thaïlande, il faut respecter un délai minimum de 45 jours entre la dissolution et le nouveau scrutin.
Outre les agissements tant illégaux qu'anticonstitutionnels qui viennent d'être rapidement évoqués, Thaksin s'est aussi employé à limiter la liberté des médias thaïlandais, télévison, presse et radio. Il a réussi à les contrôler à peu près tous. A la suite de la première manifestation, le 4 février 2006, organisée par Sonthi Limthongkun, il n'y a eu aucune information diffusée dans l'ensemble des médias. Cela montre bien que la liberté d'expression des médias, garante de l'information des citoyens thaïlandais n'est plus du tout respectée.Par contre, les partisans du Premier Ministre ont la faveur de la majeure partie des moyens d'information.
On peut reprocher bien des choses à Thaksin, différentes de ses agissements en tant qu'homme d'affaires ou de politicien soupçonné de manoeuvrer, dans son intérêt, l'ensemble des médias : il s'agit de la solution qu'il entend donner à la violence récurrente dans les trois provinces du sud de Thaïlande, Narathiwat, Pattani, et Yala. Ses décisions n'ont fait qu'empirer la situation mais on n'en entend plus parler dans la presse alors que des gens sont tués chaque jour. Ce qu'il a demandé aux Thaïlandais de faire, voici quelques mois, peut être véritablement taxé de ridicule puisqu'il "a cru" que lancer des millions d'origamis du haut d'avions militaires sur ces provinces pourrait sauver des vies et résoudre les problèmes.
Le plus grave est sans doute qu'au lieu de faire ce à quoi il s'était engagé, développer l'instruction du peuple thaïlandais, il a vendu - pour son seul profit - des infrastructures essentielles ; plus que tenter réellement de trouver des moyens efficaces de lutte contre la pauvreté, il se contente de distribuer ( à des fins électorales ?) de l'argent. Doit-on ajouter que les Universités publiques sont, petit à petit, privatisées, et que les droits d'inscription aujourd'hui exigés privilégient la richesse au détriment du mérite ?
L'avenir de la Thaïlande, dans un tel contexte, s'assombrit chaque jour un peu plus. La seule chose dont on puisse être assuré, c'est qu'après les prochaines élections, comme le pensent avec amertume beaucoup de citoyens, "Thaksin will come back" ; ce sera en quelque sorte "Le retour de Jédai" mais ce scénario sera sans doute moins passionnant que le film culte, au moins pour les Thaïlandais.
Commenté par Theeraphong INTHANO