The Nation et Thai Rath du 17 au 20 février 2005
La violence islamiste dans les trois provinces méridionales de Thaïlande se poursuit. En fait, ces actes de violence et les problèmes territoriaux sont apparus depuis maintenant plus de dix ans mais ils sont devenus de plus en plus brutaux au cours des quatre dernières années puisqu’on y déplore des morts presque tous les jours. Si ces événements peuvent probablement sembler moins graves que ce qui se passe chaque jour en Irak, ceci d’autant plus qu’on n’en parle pas tellement dans les médias mondiaux et que, de plus, on ne s’intéresse pas à la petite voix de gens tentant de survivre au fin fond des provinces thaïlandaises du sud. Les hypothèses les plus diverses sont émises, mais aucune véritable explication de ces événements et sur leurs auteurs n’est jamais donnée. Le gouvernement thaïlandais actuel, dirigé par le premier ministre Thaksin Sinnawatra, victorieusement élu pour un deuxième mandat le 6 février 2005 (son parti a obtenu la majorité absolue à l’Assemblée Nationale), prétexte tenter de résoudre ces problèmes de violence mais les résultats ne sont rien moins que satisfaisants.
Le jeudi 17 Février 2005, vers 7 heures du matin, à Sungai-Golok, un arrondissement de la province de Narathiwat (une de ces trois provinces en proie à la violence), une voiture piégée a explosé à coté d’un hôtel de luxe, le Marina. La bombe était principalement composée de dynamite, de gazole et de nitrate d’ammonium ; elle pesait de plus de 100 kilogrammes et son explosion a été déclenchée à distance par un téléphone portable. Cinq personnes ont été tuées sur le coup et une cinquantaine de blessés ont été transportés au service des soins intensifs de l’hôpital de Sungai-Golok.
Cette dernière flambée de violence meurtrière n’apparaît que quelques jours après que le premier ministre ait fait connaître une nouvelle décision à propos de ces problèmes, divisant ces trois provinces dangereuses en trois zones, rouge, jaune et verte. Chaque couleur correspond à une évaluation de l’état de violence et de la coopération des locaux avec le gouvernement. Le rouge signifie que cette zone est la plus dangereuse, le jaune est considéré comme moins violent mais que les gens ne coopèrent guère avec le gouvernement et le vert indique que la zone est sécurisée. Il a déclaré qu’il va supprimer les subventions d’Etat et les autres aides, y compris l’aide à l’investissement dans les villages, la distribution de l’électricité et de l’eau ainsi que la fermeture des réseaux téléphoniques, si les populations locales n’apportent pas leur coopération à la solution de ces problèmes. Thaksin pense qu’il ne faut pas que les impôts des Thaïlandais puissent servir aux terroristes pour acheter des pistolets, des bombes, ou des téléphones portables.
En fait, il y a plus de dix ans, le gouvernement, sous la direction du Général Prem Thinlasulanonda, actuel Président du Conseil privé du Roi, avait décidé de déployer l’armée dans ces provinces afin de contrôler la sécurité et de calmer la situation, mais sous le premier mandat du Premier Ministre actuel, le Conseil des Ministres a décidé d’y surseoir parce qu’il était convaincu que la situation s’était améliorée.
Chuan Leekphai, ancien Premier Ministre et Président du Conseil consultatif du Parti démocrate, considère que la décision du Premier Ministre peut faire empirer cette situation et que cela pourrait amener des innocents à coopérer avec les terroristes puisque une telle décision correspond en fait à laisser tomber ces gens-là et à les amener à essayer de se sauver eux-mêmes. Thaksin a confirmé ce projet, affirmant que si les gens ne disent pas qui est à l’origine de cette violence, il maintiendra un tel programme.
Plusieurs spécialistes, hommes politiques et professeurs d’université, comme par exemple le Dr. Pravet Vasri, sont contre cette décision et demandent au Premier Ministre d’y réfléchir à deux fois. Mais Thaksin a affirmé de façon agressive qu’il ne va pas écouter des gens qui ne font que parler et ne sont pas véritablement au courant de ce qui s’est exactement passé, leur proposant d’aller vivre sur place et de garantir leur sécurité.
Il faut cependant être conscient du fait que les locaux ont très peur des terroristes et même des soldats parce que les terroristes ont plutôt à organiser un attentat à l’endroit où se trouvent les soldats ; ils ne veulent pas participer à ce projet exposé par le Premier Ministre parce que d’une part, ils ont peur de la menace terroriste et que, d’autre part, comme tous les êtres humains, ils ne veulent pas mourir dans une telle situation. En fait, les enquêtes sont de la responsabilité des policiers et si les locaux doivent contribuer eux-mêmes à la recherche de l’origine de ces violences sanglantes, on peut également se poser à quoi servent les policiers.
Le moment est venu pour le Premier Ministre de se poser la question de savoir si sa décision est la meilleure pour parvenir à résoudre ce problème. Comme il l’a dit, il faut que les innocents montrent quelque patience, car il est au moins vrai qu’ils ne peuvent guère faire autrement. Chacun peut imaginer ce que c’est que vivre dans une telle atmosphère, où la menace est omniprésente, invisible et toujours aveugle.
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